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UTMB 2011, Un tranche de vie...
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UTMB 2011, Un tranche de vie...
Hello,
Pendant que Matthieu et Ben arpentaient les sommets Pyrénéens fin Aout, Gilles, Pierre, Isa et moi étions en mission spéciale dans la Yaute...
Voici donc le CR de ma première expérience d'un trail aussi long. Jusqu'à la semaine dernière ma course la plus longue était l'Ultra6000D (110km). Alors cela soulève forcément un mélange de doutes et d'excitation. Je l'avais déjà constaté sur l'Ultra6000D, un ultra c'est comme une tranche de vie, constituée de phases parfois très contrastées qui alternent dans un ordre contraire à toute logique.
Phase pré-UTMB: Excitation et Découragement. Excitation en début d'année de reprendre l'entrainement, motivé par le défi qui s'offre à moi. Découragement à partir de mi-juillet: j'avais placé dans mon programme d'entrainement le 17 juillet l'Ice Trail Tarentaise qui offrait sur le papier un excellent test (65km, 5000D+, dont une bonne partie au dessus de 3000m). Mais voilà, la météo en a décidé autrement. En lieu et place je disputerai l'Altispeed avec Matthieu, "seulement" 32km/2500D+, mais sous une météo exécrable qui laissera des traces sur mon organisme (angine, bronchites...) toutes les semaines qui suivent. Du coup, entrainement minimum et motivation en berne juqu'au WE dernier... Seul retour positif de l'expérience, j'ai eu le loisir de tester le matériel UTMB en condition extrême et ainsi de corriger quelques erreurs.
Semaine pré-UTMB: Découragement extrême. A J-7 je suis toujours dans l'incapacité de me débarrasser de mon infection ORL. A cela s'ajoute une rage de dent qui se déclare le vendredi 19 aout. Je passe le WE en me réveillant toutes les heures pour mâcher des clous de girofles. Dès le lundi, mon dentiste me prescrit des anti-bio pour 5 jours, jugeant trop risqué le fait d'anesthésier et d'intervenir dans ce nid à microbes... Je décide d'anticiper l'arrêt des anti-bio la veille de la course tellement j'ai mal au ventre. Tout s'annonce pour le mieux... En allant chercher le dossard je suis interviewé par un journaliste de RTL qui fait un reportage sur l'UTMB. A l'écoute de mes réponses, je lis dans ses yeux le doute quant à mes chances de réussite. C'est sur mon témoignage passera à la trappe au montage.
Départ UTMB: Résignation. Je passe la journée du vendredi à flâner dans Cham, sans réellement trouver de source de motivation pour me regonfler le moral. Je suis à distance la course d'Isabelle, Pierre et Gilles, qui sont en train d'en découdre sur la CCC. J'en profite pour saluer Marie et Valérie (si, si, souvenez vous le dortoir du Chamoniard volant lors du trail des aiguilles rouges...relisez vos CR !) qui sont sur Cham pour encourager leurs proches. A quelques heures du départ, allongé sur mon lit au refuge, je regarde la pluie tomber sur le vélux et me demande ce que je fais là. D'habitude, quelles que soient les conditions climatiques, ce genre d'interrogation ne me vient qu'en cours d'épreuve, jamais avant. A 18h30 je vais rejoins la Pasta Party où je retrouve Alain. C'est bien sympa. A 23h, je me rends au départ avec Henri, un ami trailer rencontré sur l'édition 2010 de l'UTMB. Nous avons l'impression de revivre le scénario de l'année passée.... Nous nous plaçons en fond de peloton. Je suis déjà résigné à subir la course plutôt qu'à en être acteur. 23h30 départ, je pars comme un robot sous la pluie battante.
Chamonix-Les Contamines: Ennui. Pendant 5h je vis ma course en petit gestionnaire: faire le métier, ne pas me faire mal (3 chutes tout de même dans la descente de saint-gervais où je m'ouvre le doigt...), et avancer sans réfléchir, sans prendre de plaisir, avec cependant tout de même une petite curiosité quant à savoir quand l'aventure va se terminer.
Les Contamines-Lac Combal: Espoir. En montant vers la Balme un bout de ciel étoilé me redonne espoir. Je trouve la montée vers le Refuge de la croix du Bonhomme agréable: le jour s'est maintenant levé, le paysage est magnifique, les sommets sont soupoudrés de neige, mes jambes m'amènent sans forcer assez facilement vers le sommet. Je continue d'admirer le paysage en descendant vers les chapieux. Les descentes ça n'est pas mon point fort et pourtant je double pas mal de concurrents. C'est l'avantage de partir en fond de peloton, ça flatte l'ego.
Au Chapieux j'arrive en territoire connu. J'ai effectué la reconnaissance en juillet et il m'avait fallu 2h01 pour gagner le col. La pluie est revenue sur la course et pourtant l'espoir qui me porte m'amène au sommet en 2h02. Surement trop vite d'ailleurs, mais je ne vais tout de même pas me mettre à cracher sur les rares motifs de satisfaction. Il est 10h43, à cette heure, Isa, Pierre et Gilles ont très probablement coupés la ligne d'arrivée de la CCC, et mon épouse Corinne est à présent sur Chamonix depuis Paris avec le train de nuit. Cette proximité me donne des forces. Je gagne le Lac Combal en admirant la nature et en saluant les vaches sur mon passage.
Lac Combal-Courmayeur: Lassitude. La descente sous le soleil de l'Arête Mont Favre vers le col Checrouit m'a usé. J'en profite pour faire une pause déjeuner de 20mn au col avant de basculer vers Courmayeur. Entre temps j'ai appris par un concurrent que le parcours a été modifié. Nous sommes parti à présent pour 170km et 9700D+... Je pense à une réflexion de Kilian lorsqu'il avait fait par erreur 8km de trop lors de son record du tour du Lac Tahoe (240km...) : "more kilometers, more fun". C'est sur, nous n'avons pas la même façon de nous amuser ! A Courmayeur j'ai parcouru depuis le départ "seulement" 77.70km et 4406mD+, je suis fatigué et pourtant pas encore à la mi-course, ni en km, ni en dénivelé...
Courmayeur-Grand Col Ferret: Combativité light. Je gagne encore quelques places, mais dans la douleur. Je n'ai pas la combativité d'un Geronimo, mais j'avance avec la motivation de gagner le km 100 en haut de Grd Col Ferret. Tout un symbole, après je n'aurai plus qu'à me laisser glisser vers la Fouly où m'attendent Corinne, Pierre et Gilles. Cela devrait être facile et réconfortant! Je gère donc cette partie au moral et je trouve que c'est un peu tôt pour utiliser cette arme. J'aurais préféré préserver mon capital moral pour plus tard, je n'ai pas le sentiment d'en avoir suffisamment en réserve pour toute la course. Au sommet du Col c'est brouillard et vent...
Grand Col Ferret-La Fouly: Découragement et Énervement. La descente que je pense pouvoir gérer "facilement" s'avère être un calvaire. La nuit qui vient de tomber et le brouillard ne sont pas les meilleurs alliés de mon pas lourd et maladroit. Je sens à présent des ampoules sous mes deux talons. La variante finale de l'arrivée vers la Fouly pour contourner le trajet traditionnel par la route m'achève et me met hors de moi. Dans les derniers mètres avant d'arriver au ravitaillement, je tombe, peste, et réfléchis déjà comment annoncer à mes supporters venus m'accueillir ma décision d'abandonner.
La Fouly: Remontée de bretelles.
- "Bonsoir, ça me fait rudement plaisir de vous voir, mais je n'en peux plus, depuis le début je ne prends aucun plaisir, je ne comprends pas l'intérêt que l'on peut trouver à ce genre d'épreuve, j'ai des ampoules, j'ai mal aux dents et je ne vais pas me taper encore 60km dans ces conditions, c'est bon pour moi, j'abandonne !!"
......Ouf, voilà c'est dit........
Pierre qui a l'expérience du GRR 2010 ne tarde pas à me remettre dans le droit chemin:
- "On se calme, tu as largement d'avance sur les barrières horaires, tu vas aller manger un morceau et on en reparlera à Champex".
Mince, je n'ai pas été assez convainquant, même Corinne et Gilles semblent partager l'opinion de Pierre. Je repars 30mn plus tard, et au fond de moi, j'ai le sentiment que c'est ce que je voulais entendre. Merci Pierre, tu as sauvé ma course. Seul j'abandonnais.
La Fouly-Champex: Excitation. Après un descente honorable sur Praz le Fort, je remonte vers Champex excité à l'idée que "oui, pourquoi pas je suis peut-être capable de finir". J'arrive à Champex, où m'attendent à nouveau mon trio de supporters. Ils ont bien du mérite de supporter un lunatique de mon espèce qui ne sait pas ce qu'il veut et les empêche de dormir quand ils pourraient sagement se reposer de leur CCC en profitant des plaisirs de Chamonix. Je ne dois pas les décevoir. Je décide de dormir 1/2h. Je ne suis pas sur d'en avoir besoin, ni d'y arriver, mais j'ai entendu une bribe d'une conférence sur l'ultra le vendredi à Chamonix qui vantait tout l'intérêt d'un sommeil court d'une vingtaine de minutes. Je suis tenté par l'expérience. Elle s'avérera bénéfique.
Champex-Chamonix: Force et Résurrection. Je vous rassure, je ne me prends pas pour Jésus-Christ, les effets de la nuit ne m'ont pas atteints à ce point, mais il faut bien admettre que la pénombre a un effet plus que bénéfique sur mon rythme et mon moral. C'est d'ailleurs un phénomène que je constate systématiquement sur toutes mes sorties nocturnes (en montagne seulement, en boite de nuit c'est l'effet inverse). J'effectue Martigny-Trient en un peu moins de deux heures. Malgré un arrêt dans la montée de Trient à Catogne pour me changer car le soleil s'est à présent levé généreusement, je grimpe là aussi aisément dans un temps honorable. Les parties roulantes sont moins à mon avantage du fait de mes ampoules et de mon style, mais je fais l'effort pour maintenir le rythme. Corinne, Pierre et Gilles sont encore présents à plusieurs ravitaillements pour m'apporter leur précieux soutien. J'en profite tout de même pour glisser à Pierre avec qui nous avions projeté d'aller disputer le GRR 2012, que "oui je vais aller au bout de ce périple, mais qu'il ne fallait tout de même pas compter sur moi pour réitérer pareil ineptie ! Au mieux le semi-raid, et encore..."
Chamonix: Bonheur et Emotions. Voilà, les derniers kilomètres sont interminables, mais quelle bonheur et satisfaction d'être allé au bout. Mes proches sont là, je suis fier d'eux. Alain, qui a eu la malchance d'abandonner à la Fouly est aussi là avec Yolande pour m'accueillir. C'est très sport et très gentil de leur part.
Un grand merci également à tous ceux qui m'ont soutenu à distance.
L'expérience humaine et sportive va au delà de mes espérances. Finalement une tranche de vie, avec ses hauts et ses bas, condensée sur seulement deux jours, ça fout le vertige...
A bientôt,
JY
PS: A l'heure où j'écris ces lignes j'assume de moins en moins mes propos sur le non-intérêt à courir le GRR 2012... et on est déjà entrain de préparer un tour de la grande casse pour début octobre avec Matthieu & Pierre. Gilles tu viens ?
Bilan technique:
- Poids au départ de Paris: 72kg / Poids au retour sur Paris: 73kg !! (Vous y comprenez quelque chose Monsieur Ducan??)
- Nombre de partants : 2369 dont femmes : 186 (7.85% des partants)
Nombre d'arrivants : 1133 (47.83% des partants) dont femmes : 72 (6.35% des arrivants)(38.71% des partantes)
Nombre d'abandons total : 1237 (52.22%)
- Mon classement+temps: 326ièm/2369 en 38h16mn
- Podium
Hommes
Kilian JORNET BURGADA (dossard : 1501, Team : SALOMON, catégorie : SE H, pays : Espagne) 20:36:43
Iker KARRERA ARANBURU (dossard : 1516, Team : SALOMON SANTIVERY, catégorie : SE H, pays : Espagne) 20:45:30
Sébastien CHAIGNEAU (dossard : 1504, Team : THE NORTH FACE , catégorie : SE H, pays : France) 20:55:41
Femmes
Elisabeth HAWKER (dossard : 19, Team : THE NORTH FACE, catégorie : SE F, pays : Royaume-Uni) 25:02:00
Néré MARTINEZ URRUZOLA (dossard : 37, Team : SALOMON SANTIVERI, catégorie : SE F, pays : Espagne) 27:55:34
Darcy PICEU AFRICA (dossard : 1526, Team : Pearl Izumi, catégorie : SE F, pays : Etats-Unis) 28:30:28
Pendant que Matthieu et Ben arpentaient les sommets Pyrénéens fin Aout, Gilles, Pierre, Isa et moi étions en mission spéciale dans la Yaute...
Voici donc le CR de ma première expérience d'un trail aussi long. Jusqu'à la semaine dernière ma course la plus longue était l'Ultra6000D (110km). Alors cela soulève forcément un mélange de doutes et d'excitation. Je l'avais déjà constaté sur l'Ultra6000D, un ultra c'est comme une tranche de vie, constituée de phases parfois très contrastées qui alternent dans un ordre contraire à toute logique.
Phase pré-UTMB: Excitation et Découragement. Excitation en début d'année de reprendre l'entrainement, motivé par le défi qui s'offre à moi. Découragement à partir de mi-juillet: j'avais placé dans mon programme d'entrainement le 17 juillet l'Ice Trail Tarentaise qui offrait sur le papier un excellent test (65km, 5000D+, dont une bonne partie au dessus de 3000m). Mais voilà, la météo en a décidé autrement. En lieu et place je disputerai l'Altispeed avec Matthieu, "seulement" 32km/2500D+, mais sous une météo exécrable qui laissera des traces sur mon organisme (angine, bronchites...) toutes les semaines qui suivent. Du coup, entrainement minimum et motivation en berne juqu'au WE dernier... Seul retour positif de l'expérience, j'ai eu le loisir de tester le matériel UTMB en condition extrême et ainsi de corriger quelques erreurs.
Semaine pré-UTMB: Découragement extrême. A J-7 je suis toujours dans l'incapacité de me débarrasser de mon infection ORL. A cela s'ajoute une rage de dent qui se déclare le vendredi 19 aout. Je passe le WE en me réveillant toutes les heures pour mâcher des clous de girofles. Dès le lundi, mon dentiste me prescrit des anti-bio pour 5 jours, jugeant trop risqué le fait d'anesthésier et d'intervenir dans ce nid à microbes... Je décide d'anticiper l'arrêt des anti-bio la veille de la course tellement j'ai mal au ventre. Tout s'annonce pour le mieux... En allant chercher le dossard je suis interviewé par un journaliste de RTL qui fait un reportage sur l'UTMB. A l'écoute de mes réponses, je lis dans ses yeux le doute quant à mes chances de réussite. C'est sur mon témoignage passera à la trappe au montage.
Départ UTMB: Résignation. Je passe la journée du vendredi à flâner dans Cham, sans réellement trouver de source de motivation pour me regonfler le moral. Je suis à distance la course d'Isabelle, Pierre et Gilles, qui sont en train d'en découdre sur la CCC. J'en profite pour saluer Marie et Valérie (si, si, souvenez vous le dortoir du Chamoniard volant lors du trail des aiguilles rouges...relisez vos CR !) qui sont sur Cham pour encourager leurs proches. A quelques heures du départ, allongé sur mon lit au refuge, je regarde la pluie tomber sur le vélux et me demande ce que je fais là. D'habitude, quelles que soient les conditions climatiques, ce genre d'interrogation ne me vient qu'en cours d'épreuve, jamais avant. A 18h30 je vais rejoins la Pasta Party où je retrouve Alain. C'est bien sympa. A 23h, je me rends au départ avec Henri, un ami trailer rencontré sur l'édition 2010 de l'UTMB. Nous avons l'impression de revivre le scénario de l'année passée.... Nous nous plaçons en fond de peloton. Je suis déjà résigné à subir la course plutôt qu'à en être acteur. 23h30 départ, je pars comme un robot sous la pluie battante.
Chamonix-Les Contamines: Ennui. Pendant 5h je vis ma course en petit gestionnaire: faire le métier, ne pas me faire mal (3 chutes tout de même dans la descente de saint-gervais où je m'ouvre le doigt...), et avancer sans réfléchir, sans prendre de plaisir, avec cependant tout de même une petite curiosité quant à savoir quand l'aventure va se terminer.
Les Contamines-Lac Combal: Espoir. En montant vers la Balme un bout de ciel étoilé me redonne espoir. Je trouve la montée vers le Refuge de la croix du Bonhomme agréable: le jour s'est maintenant levé, le paysage est magnifique, les sommets sont soupoudrés de neige, mes jambes m'amènent sans forcer assez facilement vers le sommet. Je continue d'admirer le paysage en descendant vers les chapieux. Les descentes ça n'est pas mon point fort et pourtant je double pas mal de concurrents. C'est l'avantage de partir en fond de peloton, ça flatte l'ego.
Au Chapieux j'arrive en territoire connu. J'ai effectué la reconnaissance en juillet et il m'avait fallu 2h01 pour gagner le col. La pluie est revenue sur la course et pourtant l'espoir qui me porte m'amène au sommet en 2h02. Surement trop vite d'ailleurs, mais je ne vais tout de même pas me mettre à cracher sur les rares motifs de satisfaction. Il est 10h43, à cette heure, Isa, Pierre et Gilles ont très probablement coupés la ligne d'arrivée de la CCC, et mon épouse Corinne est à présent sur Chamonix depuis Paris avec le train de nuit. Cette proximité me donne des forces. Je gagne le Lac Combal en admirant la nature et en saluant les vaches sur mon passage.
Lac Combal-Courmayeur: Lassitude. La descente sous le soleil de l'Arête Mont Favre vers le col Checrouit m'a usé. J'en profite pour faire une pause déjeuner de 20mn au col avant de basculer vers Courmayeur. Entre temps j'ai appris par un concurrent que le parcours a été modifié. Nous sommes parti à présent pour 170km et 9700D+... Je pense à une réflexion de Kilian lorsqu'il avait fait par erreur 8km de trop lors de son record du tour du Lac Tahoe (240km...) : "more kilometers, more fun". C'est sur, nous n'avons pas la même façon de nous amuser ! A Courmayeur j'ai parcouru depuis le départ "seulement" 77.70km et 4406mD+, je suis fatigué et pourtant pas encore à la mi-course, ni en km, ni en dénivelé...
Courmayeur-Grand Col Ferret: Combativité light. Je gagne encore quelques places, mais dans la douleur. Je n'ai pas la combativité d'un Geronimo, mais j'avance avec la motivation de gagner le km 100 en haut de Grd Col Ferret. Tout un symbole, après je n'aurai plus qu'à me laisser glisser vers la Fouly où m'attendent Corinne, Pierre et Gilles. Cela devrait être facile et réconfortant! Je gère donc cette partie au moral et je trouve que c'est un peu tôt pour utiliser cette arme. J'aurais préféré préserver mon capital moral pour plus tard, je n'ai pas le sentiment d'en avoir suffisamment en réserve pour toute la course. Au sommet du Col c'est brouillard et vent...
Grand Col Ferret-La Fouly: Découragement et Énervement. La descente que je pense pouvoir gérer "facilement" s'avère être un calvaire. La nuit qui vient de tomber et le brouillard ne sont pas les meilleurs alliés de mon pas lourd et maladroit. Je sens à présent des ampoules sous mes deux talons. La variante finale de l'arrivée vers la Fouly pour contourner le trajet traditionnel par la route m'achève et me met hors de moi. Dans les derniers mètres avant d'arriver au ravitaillement, je tombe, peste, et réfléchis déjà comment annoncer à mes supporters venus m'accueillir ma décision d'abandonner.
La Fouly: Remontée de bretelles.
- "Bonsoir, ça me fait rudement plaisir de vous voir, mais je n'en peux plus, depuis le début je ne prends aucun plaisir, je ne comprends pas l'intérêt que l'on peut trouver à ce genre d'épreuve, j'ai des ampoules, j'ai mal aux dents et je ne vais pas me taper encore 60km dans ces conditions, c'est bon pour moi, j'abandonne !!"
......Ouf, voilà c'est dit........
Pierre qui a l'expérience du GRR 2010 ne tarde pas à me remettre dans le droit chemin:
- "On se calme, tu as largement d'avance sur les barrières horaires, tu vas aller manger un morceau et on en reparlera à Champex".
Mince, je n'ai pas été assez convainquant, même Corinne et Gilles semblent partager l'opinion de Pierre. Je repars 30mn plus tard, et au fond de moi, j'ai le sentiment que c'est ce que je voulais entendre. Merci Pierre, tu as sauvé ma course. Seul j'abandonnais.
La Fouly-Champex: Excitation. Après un descente honorable sur Praz le Fort, je remonte vers Champex excité à l'idée que "oui, pourquoi pas je suis peut-être capable de finir". J'arrive à Champex, où m'attendent à nouveau mon trio de supporters. Ils ont bien du mérite de supporter un lunatique de mon espèce qui ne sait pas ce qu'il veut et les empêche de dormir quand ils pourraient sagement se reposer de leur CCC en profitant des plaisirs de Chamonix. Je ne dois pas les décevoir. Je décide de dormir 1/2h. Je ne suis pas sur d'en avoir besoin, ni d'y arriver, mais j'ai entendu une bribe d'une conférence sur l'ultra le vendredi à Chamonix qui vantait tout l'intérêt d'un sommeil court d'une vingtaine de minutes. Je suis tenté par l'expérience. Elle s'avérera bénéfique.
Champex-Chamonix: Force et Résurrection. Je vous rassure, je ne me prends pas pour Jésus-Christ, les effets de la nuit ne m'ont pas atteints à ce point, mais il faut bien admettre que la pénombre a un effet plus que bénéfique sur mon rythme et mon moral. C'est d'ailleurs un phénomène que je constate systématiquement sur toutes mes sorties nocturnes (en montagne seulement, en boite de nuit c'est l'effet inverse). J'effectue Martigny-Trient en un peu moins de deux heures. Malgré un arrêt dans la montée de Trient à Catogne pour me changer car le soleil s'est à présent levé généreusement, je grimpe là aussi aisément dans un temps honorable. Les parties roulantes sont moins à mon avantage du fait de mes ampoules et de mon style, mais je fais l'effort pour maintenir le rythme. Corinne, Pierre et Gilles sont encore présents à plusieurs ravitaillements pour m'apporter leur précieux soutien. J'en profite tout de même pour glisser à Pierre avec qui nous avions projeté d'aller disputer le GRR 2012, que "oui je vais aller au bout de ce périple, mais qu'il ne fallait tout de même pas compter sur moi pour réitérer pareil ineptie ! Au mieux le semi-raid, et encore..."
Chamonix: Bonheur et Emotions. Voilà, les derniers kilomètres sont interminables, mais quelle bonheur et satisfaction d'être allé au bout. Mes proches sont là, je suis fier d'eux. Alain, qui a eu la malchance d'abandonner à la Fouly est aussi là avec Yolande pour m'accueillir. C'est très sport et très gentil de leur part.
Un grand merci également à tous ceux qui m'ont soutenu à distance.
L'expérience humaine et sportive va au delà de mes espérances. Finalement une tranche de vie, avec ses hauts et ses bas, condensée sur seulement deux jours, ça fout le vertige...
A bientôt,
JY
PS: A l'heure où j'écris ces lignes j'assume de moins en moins mes propos sur le non-intérêt à courir le GRR 2012... et on est déjà entrain de préparer un tour de la grande casse pour début octobre avec Matthieu & Pierre. Gilles tu viens ?
Bilan technique:
- Poids au départ de Paris: 72kg / Poids au retour sur Paris: 73kg !! (Vous y comprenez quelque chose Monsieur Ducan??)
- Nombre de partants : 2369 dont femmes : 186 (7.85% des partants)
Nombre d'arrivants : 1133 (47.83% des partants) dont femmes : 72 (6.35% des arrivants)(38.71% des partantes)
Nombre d'abandons total : 1237 (52.22%)
- Mon classement+temps: 326ièm/2369 en 38h16mn
- Podium
Hommes
Kilian JORNET BURGADA (dossard : 1501, Team : SALOMON, catégorie : SE H, pays : Espagne) 20:36:43
Iker KARRERA ARANBURU (dossard : 1516, Team : SALOMON SANTIVERY, catégorie : SE H, pays : Espagne) 20:45:30
Sébastien CHAIGNEAU (dossard : 1504, Team : THE NORTH FACE , catégorie : SE H, pays : France) 20:55:41
Femmes
Elisabeth HAWKER (dossard : 19, Team : THE NORTH FACE, catégorie : SE F, pays : Royaume-Uni) 25:02:00
Néré MARTINEZ URRUZOLA (dossard : 37, Team : SALOMON SANTIVERI, catégorie : SE F, pays : Espagne) 27:55:34
Darcy PICEU AFRICA (dossard : 1526, Team : Pearl Izumi, catégorie : SE F, pays : Etats-Unis) 28:30:28
jym- Messages : 10
Date d'inscription : 04/09/2011
Re: UTMB 2011, Un tranche de vie...
J'aime bien ton CR, on sent le mec plus organisé que moi qui ordonne bien tout
J'avais parié avec Gilles que tu voulais plus de la Réunion "à chaud" mais que tu reviendrais vite sur tes paroles, je ne pensais pas que tu le ferais aussi vite mais j'en suis ravi, pas envie de me retrouver seul pour mon 1er 160
En tout cas, moi, ca me donne envie de faire ce genre d'épreuves dès que je le pourrais.
Merci pour l'histoire
J'avais parié avec Gilles que tu voulais plus de la Réunion "à chaud" mais que tu reviendrais vite sur tes paroles, je ne pensais pas que tu le ferais aussi vite mais j'en suis ravi, pas envie de me retrouver seul pour mon 1er 160
En tout cas, moi, ca me donne envie de faire ce genre d'épreuves dès que je le pourrais.
Merci pour l'histoire
Repousser les limites / Sebastien Chaigneau
Une émission consacrée à « Que peut le corps ? » L'extrême résistance à l'effort physique", en grande partie sur l'expérience de S. Chaigneau, 3ème de l'UTMB en 2011, et Etienne Klein, aussi adepte du trail.
L'esprit de la course, le plaisir, sa vision des différents types d'épreuves, bien intéressant.
http://www.franceculture.fr/emission-science-publique-club-science-publique-%C2%AB-que-peut-le-corps-%C2%BB-l-extreme-resistance-a-l-effor
http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4340993
L'esprit de la course, le plaisir, sa vision des différents types d'épreuves, bien intéressant.
http://www.franceculture.fr/emission-science-publique-club-science-publique-%C2%AB-que-peut-le-corps-%C2%BB-l-extreme-resistance-a-l-effor
http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4340993
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